Samedi 9 octobre 2010. Je passe le pont de Recouvrance, ce qui est assez inhabituel. Quand je vais à Recouvrance, c’est vraiment que j’ai quelque chose à y faire, alors que je peux marcher rue de Siam sans d’autre but que de marcher. Le brestois (d’adoption) rive gauche que je suis ne traverse jamais la Penfeld sans une raison valable, même si j’ai le sentiment que les choses vont changer dans les années à venir, en particulier grâce au tram qui va relier la ville de part en part, lui (re)donner du souffle, lui insuffler une nouvelle énergie, notamment en aménageant le plateau des Capucins. J’aime bien Brest, à dire vrai. Donc me voilà à la mairie annexe des Quatre moulins, sur la hauteur de Recouvrance, où l’on inaugure des fresques murales à la gloire de la ville, du Brest même qu’on aime, de l’arsenal, des valeurs qui ont tenu cette ville vivante au fil du temps, même sous les bombes. Ici c’est Brest, ville debout. Pour l’occasion des enfants viennent réciter des haïkus, petits poèmes courts, odes à la gloire de leur ville, quelques instants de grâce à peine couverts par le bruit des voitures qui passent, parce que fresques ou pas, Brest continue de respirer. Et puis direction la mairie, où nous attend Miossec dans la salle des mariages, ça ne s’invente pas. Christophe Miossec, le parrain des fresques, qui va donner un mini-concert avec Manu Lann Huel, est un peu fébrile, comme d’hab’. Sous l’oeil bienveillant d’une Marianne côté jardin et côté cour du portrait en pied d’un gars dont le nom m’échappe, Miossec va nous offir un mini set, simplement accompagné d’un piano. La foule envahit la salle, discours express et plein d’humour de François Cuillandre, maire de Brest, qui nous assure que oui, les travaux du tramway finiront bien un jour ou l’autre. Dans un silence monacal, Miossec nous livre « Je m’en vais » suivi de deux titres de circonstance, un « Brest » dont les paroles résonnent d’une émotion particulière en ce lieu et puis « Recouvrance » comme une évidence, un titre qui a une saveur particulière, chargée de tant de choses, de souvenirs tenaces quand il est chanté ici-même. Applaudissements nourris, petit impair du maire adjoint de Brest qui propose aux invités de prendre un pot en attendant Manu. Erreur stratégique élémentaire, on ne propose jamais à un brestois de boire un coup alors que le concert n’est pas fini. Manu aura bien du mal à capter l’attention, entre deux flûtes de kir et un petit four. Il se consolera en m’apprenant que son spectacle prévu au Quartz de Brest en avril 2011 (avec Eric Le Lann et des invités) est déjà sold out et qu’une date supplémentaire a été prévue. Tandis que je papote avec Manu, j’observe Christophe qui dédicace à tour de bras, avec une constance épatante, avec le sourire, toujours. Il est content d’être là, ça se voit. D’ailleurs ici il est chez lui, à la maison. Seule ombre au tableau, une dame ne semble pas satisfaite du service. Je lui demande ce qui se passe, elle me répond qu’elle s’appelle Béatrice et que la dédicace mentionne : « à Béatrice Dalle, bien amicalement. Miossec. » Courroucée qu’elle est parce qu’elle ne s’appelle pas Dalle. On est tous morts de rire et la dame s’en va en maugréant. Du Miossec pur jus quoi. J’ai embarqué la set list avec les textes imprimés par Christophe, on n’est jamais trop prudent. Finalement le flux des amateurs d’autographes finit par se tarir. Encore quelques photos et Christophe Miossec peut aller fumer une clope. Je le salue et je repars, direction rive gauche. Ironie du sort, en passant le pont de Recouvrance, la radio passe un air connu. « Elle fait un pas, elle s’avance, elle me dit au revoir…«
À propos Hervé LE GALL
Hervé "harvey" LE GALL, photographe auteur basé à Brest au début du monde. A trainé ses godasses et ses reflex dans la plupart des coins sombres de la région Bretagne. Photographe-maison du Cabaret Vauban, photographe officiel des Vieilles Charrues (entre autres). Intransigeant, il aime la photo, les lasagnes, le kouign amann et le Breizh Cola. Rédac chef de SHOTS.